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Benoît Grimonprez

Bienvenue sur le site de Benoît Grimonprez, professeur à l'Université et chercheur en droit rural et de l'environnement.

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Mes travaux portent sur les mutations politiques et juridiques des systèmes agricoles, notamment au regard des questions économiques et écologiques.

 

Je m'intéresse plus largement aux territoires ruraux dans leur multiples fonctionnalités et aux biens environnementaux que sont la terre, la ressource en eau et la biodiversité.

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Mes réflexions portent actuellement sur les instruments de la transition écologique de l'agriculture et plus particulièrement sur la question de l'adaptation des pratiques agricoles au changement climatique.

"La réforme du droit foncier rural : demander l'impossible"Sous la direction de Benoît Grimonprez. LexisNexis, octobre 2018.
Actes du colloque de Poitiers, Faculté de droit, 15 et 16 mars 2018
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Dossier Spécial La France agricole

"Foncier : l'indispensable remise à plat", 22 juin 2018

Interview

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Participation à Planet A, Forum international de l'agriculture, 27 et 28 juin 2019, Chalons-en-Champagne, sur le thème  "Terre, matière, planète : la qualité des sols pour la santé du vivant".

Voir la communication ci-dessous.

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Tribune "Réinventons notre modèle agricole", parue dans La France Agricole, le 6 février 2019.

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Colloque : Le stockage agricole de l'eau : une solution pour l'irrigation durable?, Poitiers le 13 mars 2019

Rapport de synthèse à paraître à la Revue juridique de l'Environnement.

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Conférence-débat : "Comment développer une agriculture de proximité?", Poitiers, 30 avril 2019, organisé par Poitiers collectif

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Article : L'agriculture urbaine : une agriculture juridiquement comme les autres? Revue de droit rural, août 2019, Etude 18.
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Evènements
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Mes dernières recherches

- Les freins juridiques à la transition agro-écologique, avec Antoine de Lombardon, à paraître dans la revue "Pour".

Communication au Forum internatonial de l'agriculture Planet A - 27 juin 2019

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La protection des qualités naturelles des terres

 

L’organisation du Forum Planet A m’a confié la mission impossible suivante : esquisser une politique en vue de la protection des terres et de leurs qualités. Dans ma conception (certainement naïve), une authentique politique définit des fins et se donne les moyens de les atteindre. Dans le cas qui nous occupe et nous inquiète, la tâche revient d’abord à déterminer les objectifs de la préservation des terres, et ensuite à savoir comment lutter contre les phénomènes de dégradation.

 

I. Les fins

 

L’objectif visé est prosaïquement la protection des terres. Certes, mais de quelles terres parle-t-on ? Le sol, comme support, est en principe indestructible. En revanche, les sols en tant qu’écosystèmes se meurent et disparaissent progressivement de la surface de la planète.

 

Pourquoi s’échiner à vouloir les sauvegarder ? Pour une raison qui fait maintenant consensus dans le monde scientifique : les terres agricoles et naturelles constituent une richesse en soi, et au-delà, pour l’ensemble des sociétés humaines. Leur préservation s’impose au nom des multiples services d’intérêt collectif qu’elles rendent : la production de nourriture ; la création de paysages ; l’entretien de la nature ; la fourniture de services écosystémiques (filtration des molécules ; recyclage de la matière organique ; stockage de carbone…). Les sols sont l’une des solutions majeures au problème du réchauffement climatique.

 

La politique foncière devrait logiquement tendre vers deux grandes actions.

 

Action n° 1 : protéger la quantité de terres

 

Les terres sont, au plan quantitatif, menacées de disparition par leur urbanisation ou leur artificialisation. Le bétonnage, à l’évidence, détruit complètement leur nature et leurs fonctions.

 

Aussi, je pense qu’il y a trois chantiers à mener :

 

1. Si l’on veut stopper l’artificialisation, ou aller vers un principe dit de « zéro artificialisation nette », encore faut-il la définir et en donner des critères : est-ce le simple changement d’usage, l’anthropisation du milieu, l’imperméabilisation ? Force est aujourd’hui de constater que certains usages urbains (jardins, espaces publics) préservent davantage la biodiversité que des pratiques agricoles intensives.

 

2. Peut-on laisser aux collectivités la liberté de changer l’affectation des sols par la modification des documents d’urbanisme, en rendant constructible ce qui ne l’était pas ? La responsabilité n’est-elle pas trop lourde pour le local au regard des incidences globales de telles décisions ? Autrement dit, faut-il se résoudre (enfin !) à sanctuariser les ressources agricoles et naturelles face au désir insatiable d’urbanité ?

 

3. Sur la portion inévitable de terres qu’on laisse partir à l’urbanisation, doit-on prévoir un système de compensation (comme d’ailleurs pour le reste de la biodiversité) ? On songe, par exemple, à des formes de restauration des surfaces dégradées.

 

Action n° 2 : protéger les qualités des terres

 

Lorsqu’elles ont été épargnées par le béton, les terres sont sous la menace de la surexploitation : en découlent érosion, perte de fertilité et de matière organique, disparition de la biodiversité (micro-faune et micro-flore) et des infrastructures naturelles (haies, arbres, mares, talus…).

 

Cet état des lieux invite à réfléchir aux point suivants :

 

1. Peut-on disposer de critères et d’instruments de mesures de la qualité des sols ? Le sol vivant ou en bonne santé peut-il être érigé en référence ?

 

2. Doit-on et peut-on s’accorder scientifiquement sur les pratiques agricoles respectueuses de la vie des sols ? Quelle est la position des agronomes et écologues sur les techniques réputées néfastes : le labour, les biocides, les engrais minéraux, l’absence de couverture végétale ? Des directives et préconisations au niveau local sont-elles pertinentes ? Mon sentiment est que tant qu’on ne s’entendra pas sur ce que sont les bonnes techniques culturales (ou les mauvaises), aucune avancée ne sera possible. Sans modèle, sans direction, chacun continuera à travailler la terre à sa façon au nom de la diversité des agricultures.

 

Après le pourquoi, il y a le comment.

 

II. Les moyens

 

Avant de les envisager, j’ai un vœu (pieux) à formuler. De grâce, évitons les « y’a qu’à faut qu’on », les formules incantatoires creuses lancées depuis des années. Le monde a besoin de propositions tangibles, substantielles, capables de changer réellement la situation.

 

Le constat de départ est que notre législation (dans toute l’Europe) est très pauvre sur les qualités des sols. Le droit foncier s’intéresse essentiellement aux changements d’usage (avec le droit de l’urbanisme) et à la répartition des terres à vocation agricole. C’est à peu près tout. Sinon, il revient au droit de l’eau de protéger indirectement nos sols en régulant les épandages de fertilisants et de pesticides. Notons aussi quelques espaces remarquables protégés par un classement environnemental (réserves, parcs…).

 

La première question, qui emporte toutes les autres,  est alors : si la protection des terres et de leur biodiversité est d’intérêt général, faut-il des normes (générales) pour la faire respecter ? Pourquoi ne pas s’en remettre à la bonne volonté des acteurs économiques et des décideurs locaux (avec le temps nécessaire à l’évolution des mentalités) ? L’on voit en effet que, sur le terrain, quelques projets se mettent en place. S’il faut s’en satisfaire, faut-il s’en contenter ? L’important, en réalité, n’est pas de savoir si les choses bougent, mais si elles bougent assez, et assez vite. J’ai cru comprendre qu’il y avait une urgence absolue, de fait incompatible avec la lenteur qui caractérise le changement volontaire ! Sans doute la situation doit-elle encore s’aggraver, le point de non-retour définitivement être franchi, pour que le déni (compréhensible psychologiquement) cesse.

 

Si l’on opte pour la voie législative, du coup surgissent d’autres questions… qui fâchent. J’en livre quelques-unes à votre sagacité.

 

1. Faut-il conférer un statut spécial au sol pour préserver ses qualités intrinsèques et ses fonctions ? Pourquoi ne pas en faire un « patrimoine commun », à l’instar du reste de la nature, contrebalançant la toute-puissance de la propriété et de la liberté d’entreprendre ?  Après tout, la liberté des uns s’arrête là où commence celle de tous les autres.

 

2. A condition d’être établies scientifiquement, les bonnes pratiques culturales méritent-elles d’être « légalisées », c’est-à-dire intégrées au droit positif ? Sur le même principe que la bientraitance animale, nous aurions la bientraitance du sol comme faisant partie des aides PAC, du régime des baux ruraux, des règles d’attribution des terres, des contrats de filière, voire des marques commerciales…

 

3. Quelle serait l’intensité contraignante des futures normes ? Le médecin de la campagne qu’est le juriste ruraliste a de tout dans sa pharmacopée : homéopathie, allopathie, chimiothérapie. Il sait juste qu’on ne soigne pas le cancer avec des granules.

 

5. Enfin, il y a l’argent de la transition : doit-on rémunérer les agriculteurs pour ces nouvelles pratiques ? Si oui, comment ? En instaurant des paiements pour services environnementaux ? Ces derniers auraient-ils un visage public, notamment à travers les aides économiques, ou bien privé à travers des mécanismes de compensation carbone dont l’agriculture pourrait être la première bénéficiaire ? En parallèle, a-t-on besoin de mécanismes assurantiels qui prémunissent les acteurs des risques pris en faveur d’une société et d’une nature en souffrance ?

Tribune
"Agriculture française : par-delà le bien et le mal"
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Parue dans Agriculteurs de France, n° 231, Décembre 2017, p. 6.

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"Dans une France qui n’est plus rurale, le monde agricole est-il voué à disparaître ? Les signes sont là qu’il traverse la pire crise de son histoire, crise à la fois économique et identitaire. L’agriculture française désespère d’être ruinée par un marché qu’elle alimente, mais surtout de ne plus satisfaire les attentes d'une société ambivalente. Chacun (syndicats, politiques, associations, chercheurs…) tente d’administrer sa potion magique, mais semble-t-il sans chercher à comprendre les racines profondes du mal à combattre. Par-delà les clichés et jugements de valeur, nous aimerions livrer une lecture dépassionnée du scénario co-écrit par la profession et les pouvoirs publics ayant conduit au drame actuel.


Il faut revenir au milieu du XXe siècle, dans les années 60, pour constater une première rupture. Dans l’objectif de produire en masse, l’agriculture largue les amarres qui l’attachent au territoire. L’époque se débarrasse de ses paysans (Mendras), pour promouvoir la figure de l’exploitant agricole. La nécessité de nourrir la population fait loi, laquelle passe par la modernisation des structures, qu’il faut traduire par technicisation des pratiques (machinisme, pesticides, génétique…). Paradoxalement, l’essor de la technique s’accompagne d’une perte des savoirs ancestraux.


Un nouveau cap est franchi quand, en l’année 1988, le législateur coupe cette fois le cordon qui, depuis sa naissance, relie l’agriculture à la terre « mère ». L’activité agricole se définit désormais par la maîtrise et l’exploitation d’un cycle biologique végétal ou animal, sans rapport aucun avec le substrat foncier. Passée relativement inaperçue, cette révolution conceptuelle ouvre la voie aux productions hors-sol intensives (végétales comme animales). A cette aune, il n’y a guère que le corporatisme et une sociologie familiale particulière qui permettent encore de distinguer l’agriculture de l’industrie. Pas pour très longtemps. En l’absence d’un statut de l’agriculteur dans notre droit, la profession se disloque et les hommes peu à peu disparaissent physiquement, à l’ombre des personnes morales cultivatrices.


Ces mutations coïncident avec l’ouverture, à tous vents, des marchés agricoles. L’agriculture traditionnelle subit alors la double concurrence des modes de production industriels et des importations étrangères, qui déversent leurs produits manufacturés à bas coût. Une partie de la « ferme France » aurait pu s’y adapter si deux autres phénomènes ne jouaient pas.


La dépendance économique qui caractérise les structures agricoles est un premier frein. Si dans le discours syndical, l’agriculteur est devenu un véritable chef d’entreprise, la réalité est un peu différente. La faute à un revenu agricole essentiellement composé d’aides publiques et à une organisation des filières en entonnoir qui étrangle les producteurs. Comment développer des stratégies d’entreprise quand un seul client vous achète toute votre production ? Dans le modèle classique (circuits longs), c’est rarement au niveau de l’entreprise agricole que se décide l’adaptation aux besoins du marché ou la recherche de nouveaux débouchés. Les agriculteurs eux se contentent souvent de réclamer « des prix », aveu même qu’ils ont remis leur destin entre les mains des dieux de l’agro-alimentaire.


La montée en puissance des considérations environnementales et locales est le second point d’achoppement. La majorité de la profession agricole fustige cette tendance qu’elle qualifie de passéiste, sur le thème « Martine à la ferme, ça n’existe plus ». Mais c’est en réalité le visage de l’avenir que ces agriculteurs refusent de voir en face. Leur déni est d’autant plus fort que ces prescriptions sociales émanent de la frange urbaine de la population. Le fait est, de nos jours, que l’agriculture regarde toute la société et que toute la société la regarde. Chacun s’approprie une parcelle de ce « patrimoine commun », en s’y promenant et en s’en nourrissant. Dans la mentalité urbaine aujourd’hui triomphante, l’espace rural est un espace de nature et de nourriture, donc de culture. De là vient que la trajectoire de l’agriculture est - et sera - (télé)guidée par les enjeux alimentaires et écologiques.


Ce mouvement de fond n’est que l’expression, en agriculture, du courant humanisme généralisé en occident. Comme le théorise Yuval Noha Harari dans Homo Deus, le capitalisme dépend, pour sa survie, de son alliance avec la « religion » humaniste, en ce que celle-ci est la seule à pouvoir procurer du sens. Et force est d’avouer que la recherche obsessionnelle des rendements a fait perdre à l’agriculture moderne sa capacité à produire un récit, une mythologie qui parle à une société en mal d’authenticité. L’industrie agro-alimentaire sait, mieux que quiconque, qu’un aliment doit raconter une histoire... L’agroécologie - pour faire simple - restaure ces valeurs oubliées mais fondamentales. Souvent jugée excessive, la réponse humaniste est à la mesure de la déshumanisation qui frappe nos campagnes.


Nous en sommes au point de nous demander si la civilisation agricole peut ne pas s’éteindre, et si demain la fonction productive ne sera pas complètement assurée par un autre type de système (non-humain). Une lueur d’espoir subsiste néanmoins, liée à la manière dont l’agriculture française gèrera les deux forces qui l’écartèlent : la logique libérale qu’elle s’est contentée de subir et l’« éco-logique » sociale qu’elle tente d’éconduire. Doit-elle absolument tenter d’embrasser ces deux dimensions, avec encore un socle de valeurs communes, ou se résoudre à la division en des mondes irréconciliables ?".

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